Le racisme, la mort d'une âme.
Tu veux connaître mon histoire ?
Une petite vie tranquille à Busan. Voilà ce qu’était la vie de Seul-Rin avant qu’elle ne soit contrainte de suivre sa famille à Long Beach, arrachée à sa chère terre natale. Enfant et adolescente, Seul-Rin s’est toujours entièrement dévouée à ceux qu’elle aimait. La personne dont elle fut la plus proche était incontestablement sa grand-mère Lee Kwang Ja. C’était un peu un modèle pour elle, et lorsqu’elle est tombée malade et s’est installée avec eux, Seul-Rin s’est jurée de prendre soin d’elle comme d’une pierre précieuse afin d’honorer la spendide femme qu’elle était. À côté de cela, Seul-Rin a toujours été une enfant généreuse et tolérante qui travaillait avec acharnement à l’école et ne décevait jamais personne. On l’appelait d’ailleurs jag-eun cheonsa ou autrement dit «petit ange». En fait, son minois adorable et sa candeur naturelle éveillait en la plupart des gens une forte envie de la choyer, de la protéger. En fait, Seul-Rin n’a jamais eu un seul ennemi car même si elle était très pure, personne ne trouvait cela irritant ou surfait. Elle était juste comme ça, une petite lumière dans le coeur de chacun.
Et elle a vécu de cette façon pendant très longtemps, jusqu’à ce que sa grand-mère ne décède suite à la maladie. Sa sagesse et son anpathie manquent terriblement à Seul-Rin et rendre ses hommages à sa grand-mère fut une volonté mais aussi une terrible déchirure dans le coeur d’une jeune enfant. Pourtant, la perte son halmeoni la plongea dans un si grand malheur que cette tristesse la rapprocha grandement de son grand frère Dong Soo. Après des années sans affinité particulière, le fait de se retrouver si parfaitement unis par la tristesse raviva la complicité qu’ils avaient perdus à l’âge de jouer aux légos. C’est à partir de ce jour, lorsqu’il vit les larmes de sa petite soeur que Dong Soo se jura de la protéger de tous les maux possibles. Et que Seul-Rin se promit de chérir son frère autant qu’il était possible de le faire. Commença alors une belle histoire entre un frère fort et vigoureux et une petite soeur chétive et douce.
Seul-Rin se lia si fort à son frère qu’ils s’allièrent dans la même passion : la danse. Ils partageaient cette passion déjà bien avant, mais chacun de leur côté. À force de passer du temps ensemble, les choses se délièrent d’elles-mêmes et ils se mirent à danser tous les deux. Seul-Rin avait toujours eu peur du vide, ce qui l’empêchait parfois de réaliser certaines figures en duo, mais lorsqu’elle les exécutaient avec son frère elle se sentait plus à l’aise, plus à même de se laisser aller à la confiance. Il est aujourd’hui le seul avec qui elle a pu réaliser certaines figures aériennes. Parce que c’est aussi la seule personne en qui elle plaçait toute sa confiance. Ils avaient un bon niveau ensemble et ils recevaient un bon accueil des professionnels. Mais l’annonce de la mutation de Mr Lee mit fin aux ambitions du frère et de la soeur. Ils devaient déjà se concentrer sur le fait de partir et de chercher à comprendre et à intégrer un nouveau pays... Loin de la Corée du Sud, leur terre natale. Une déchirance pour Seul-Rin, une fatalité pour Dong Soo.
C’était une période difficile, affreuse même. Mais le cercle famillial était conservé et c’est ce qui aida Seul-Rin à garder la face et à essayer d’apprendre à épouser ce nouveau monde qui lui était totalement étranger. Elle parlait moyennement l’anglais et elle a du apprendre sur le tas, ce qui fut assez simple pour la bonne élève qu’elle était. Ils arrivèrent à Long Beach quand elle avait 17 ans et son frère 19. C’est à ce moment-là aussi qu’elle du se séparer de son premier amour : Kim Chin-Hae. On ne peut pas faire perdurer une relation à cette distance, même si elle est belle et qu’on a confiance en la personne à qui on se donne pour la première fois. Voilà aussi pourquoi Seul-Rin déteste à ce point ce pays qui l’a adoptée. Voilà pourquoi elle n’arrive pas à y trouver sa place, voilà aussi pourquoi elle regrette chaque jour d’y avoir posé le pied. Ce pays ne lui a apporté que du malheur, que de la haine. Elle s’y sent à l’étroit et ne désire qu’une chose : le fuir.
Mais avec les émeutes le ressentiment pour ce pays ne fit que grandir. Seul-Rin n’y participa pas, mais ce fut tout comme. Son frère n’en fit qu’à sa tête et y prit part de la manière la plus vindicative possible. Se souvenir de l’angoisse qu’elle pouvait ressentir à ce moment-là est une douleur terrible encore aujourd’hui. La simple idée de perdre son frère étant une idée parfaitement invraisemblable pour elle... Mais fort heureusement, Dong-Soo n’eut à soigner que quelques côtes cassées et des bleus au visage. Mais c’était déjà trop pour Seul-Rin. Et elle ne se rendit pas compte à quel point ces émeutes allaient changer le court de sa propre existence.
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QUAND LES CHOSES SE DÉGRADENT
-Attends Seul-Rin, tu es devenue complètement idiote ou quoi ?!-Non mais... Tu as vu comment tu me parles ? -Tu ne t’es rendu compte de rien ?! Vraiment ?!-Je ne t’ai jamais traité d’idiot moi ! Mais peut-être que je ferai bien de m’y mettre tiens ! -Hé ho ! Tu m’écoutes ?! Tu t’es faites suivre Seul-Rin ! Suivre par un pauvre gars avec une vieille veste noire à capuche grise. Et il était sans doute très mal intentionné ! -Mais non, je l’aurai remarqué quand même ! Personne ne m’a suivie, tu peux te détendre et me présenter tes excuses pour m’avoir traitée d’idiote. -Je ne plaisante pas Seul-Rin. Vraiment, je suis sérieux et d’autant plus inquiet que tu n’as pas l’air de te rendre compte de ce qui aurait pu se passer si je n’étais pas intervenu. -Intervenu ?! Qu’est-ce que tu as fait encore ! C’était peut-être là le plus gros problème. Depuis les émeutes, Dong Soo était animé d’une forte envie de se battre, il n’avait d’yeux plus que pour ce qu’il considérait comme sa mission personnelle : protéger sa précieuse petite soeur et revendiquer haut et fort la beauté des origines Coréennes. Seul-Rin cependant était secouée et rongée par la peur. Peur pour son frère si plein de haine et dont le regard auparavant tendre et joueur avait pris des accents plus tourmentés. Et voilà qu’il s’imaginait que quelqu’un la suivait. Pour Seul-Rin, c'était hautement improbable... Qui aurait pu avoir une telle idée ? Pourquoi elle parmi tant d’autres ? Et dans quel but ?
Selon elle, il ne faisait que s’inventer des raisons d’entretenir sa propre colère. Et l’utiliser pour cela avait le don d’agacer la jeune coréenne au plus haut point.
-Je t’ai appelée pour le dissuader. Agresser quelqu’un qui est au téléphone c’est donner l’alerte. -C’était ça ton coup de fil? C’est pour ça que tu ne disais quasiment rien ?-Et ensuite je l’ai suivi. -QUOI ?! Mais ça va pas ! Tu es malade !-Et je suis persuadé qu’il fait partie d’un gang Seul-Rin. Alors maintenant tu vas m’écouter attentivement : je t’interdis de te rendre ou de sortir des cours toute seule. Tu vas m’attendre - trois heures s’il le faut - mais tu ne fais pas un seul mètre toute seule dans la rue. -Tu commences à me faire peur Dong-Soo.-Je commence seulement ? Mais tant mieux, c’est exactement ce que je voulais. Alors déjà, on va commencer à apprendre quelques gestes d’autodéfense.-Tu me fais peur parce que tu deviens complètement obnibulé par tes idées de révolution ABRUTI ! Tu vas finir par te faire tuer ! Et tu peux me dire ce que je ferai moi sans toi ? Alors tu vas arrêter tes conneries parce que personne ne me suis d’accord ? Je crois quand même que je l’aurai vu si j’avais un stalker aux fesses. Tu vas rester à ta place et t’occuper de toi, je suis une grande fille et je n’ai pas besoin de toi nom de Dieu ! -Tu te tais et tu m’écoutes ! Tu n’as pas l’air de te rendre compte de la situation. Les gens ne jurent que par les origines des autres. Ils jugent, ils sont haineux des différences. Alors mieux vaut être prudent que victime, d’accord ?-C’est peut-être bien à cause de toi tout ça. Pendant les émeutes tu as dû te faire un tas d’ennemis, tu t’es fait remarquer et les autres doivent te détester. Alors s’il m’arrivait quelque chose, ce serait sans doute une vengeance plus qu’une pure haine raciale. Ce serait pour se venger de toi, à travers moi. Un point c’est tout. Alors maintenant tu arrêtes, tu me laisses et tu fais ta vie calmement sans te faire remarquer. Tu baisses la tête et tu arrêtes les conneries. Parce que personne au monde ne me fait plus peur que toi. C’était peut-être la vérité après tout... Dong-Soo était devenu un chien fou de justice quand Seul-Rin gardait ses colères bien au chaud et qu'elle se contentait de laisser les choses se calmer. Elle était si discrète qu'elle ne voyait pas comment on pourrait lui vouloir du mal à elle en particulier, et même malgré ses origines. Dong-Soo par contre prenait pleinement part aux conflits et ne se cachait pas. Il avait toujours été comme ça, et la période trouble qu’était ce vent de discrimination ne faisait que raviver en lui la flamme de la justice.
Malgré tout Seuk-Rin était bien consciente qu’il ne la lâcherait pas, voilà pourquoi elle décida de se plier à ses demandes. Mieux valait suivre ses désirs plutôt que de le pousser à attaquer pour se débarasser de ce qu’il considérait comme le stalker de sa petite soeur.
-Je vais néanmoins faire ce que tu veux, mais tu dois me promettre d’arrêter de chercher les problèmes sinon je ne tiendrai pas non plus ma promesse.Cette condition ne semblait pas lui faire plaisir, néanmoins il hocha la tête sans trop hésiter.
-Marché conclu.__________________________
UN VENT DE VÉRITÉ
Elle se plia aux demandes de son frère pendant un mois sans que rien ne se passe. Elle ne se privait d'ailleurs pas pour le lui faire remarquer, ce qui avait don d'agacer Dong-Soo. Seul-Rin tenait toujours ses promesses sans défaillir, sauf qu'un jour elle eut un coup de fil de sa mère qui l'attendait pour l'aider à réaliser une pièce de couture extrêmement difficile et longue dont les délais étaient très serrés. La jeune coréenne décida donc de partir sans son frère, persuadée que rien ne pouvait arriver de toute façon et décida de le prévenir seulement deux heures plus tard, pour qu'il ne sorte pas en furie de son cours.
Le chemin ne fut pas si dénué de danger qu'elle ne semblait le croire un peu plus tôt. Détendue mais néanmoins pressée, Seul-Rin déchanta dans une petite rue à 200m de chez elle. En tendant l'oreille, elle entendit des pas derrière elle. Mais ce n'était sans doute personne de "mal intentionné". La seule chose qui éveilla réellement de l'inquiétude chez Seul-Rin ce fut lorsqu'elle se retourna rapidement et qu'elle vit que celui qui la suivait portait une veste noire à capuchon gris. Le souvenir de Dong-Soo qui évoquait ce détail la fit trembler et lui enserra la gorge. Mais ce n'était probablement qu'une coïncidence, rien de plus.
-Ta baby-sitter a pris un jour de congé ou le petit bébé à son grand Dingue-Dong a décidé de se rebeller ?Le coeur qui loupe un battement, les muscles qui se crispent, la respiration qui devient de plus en plus rapide... Et la raison qui vous crie que vous avez été naïve et même folle de ne pas croire celui qui a toujours eu plus d'instinct que vous... Une main sur son épaule et une seule idée en tête : courir.
C'était peut-être la seule chose que Seul-Rin faisait mieux que la plupart des garçons de son âge : courir vite. Son petit gabarit et son physique de danseuse n'étaient pas étrangers à cette particularité fort salutaire en ce moment inquiétant. Elle le savait bien mais la peur était si puissante qu'elle ne ressentait ni l'épuisement, ni quoique ce soit qui puisse la détourner de son but : trouver un endroit où se cacher pour s'arracher les cheveux et se mettre des claques.
Elle trouva son salut quatre rues plus loin, en rejoignant une rue commerçante. Elle profita de sa faible avance sur l'encapuchonné pour se faufiler dans un magasin de vêtements, attraper deux cintres et une paire de chaussures au hasard sur les portants et se faufiler dans une cabine d'essayage sans demander son reste à la vendeuse. Elle s'arrêta une seconde pour retrouver une respiration normale et pour faire un travail de rejet sur les larmes qui menaçaient de couler de ses yeux puis se déshabilla et enfila une robe bleue vieillotte et trop grande pour elle. Puis elle se baissa pour mettre les sandales oranges qu'elle avait attrapées sans réfléchir et qui, bien que laides à en mourir, avait au moins le mérite de faire sa taille. Puis la peur ne pouvant plus être ignorée, elle se laissa aller à la déferlante de larmes silencieuses qui menaçaient depuis déjà trop longtemps.
Dong-Soo avait raison. Toutes ces histoires de discrimination venaient de prendre son sens, faisant tomber par la même l'incroyable naïveté de la petite coréenne.
Trois-quart d'heures dans la cabine et l'inquiétude de la vendeuse plus tard, Seul-Rin décida de sortir et de prendre son courage à deux mains. Elle dépensa ses maigres économies pour acheter sa tenue et demanda à la vendeuse de garder le reste de ses vêtements qu'elle viendrait récupérer le lendemain. Mais elle avait perdu son sac de danse qu'elle avait délaissé dans sa course.
Tant pis pour ses baskets de sport, tant pis pour ses chaussons de danse et tout le reste des affaires que contenaient ce sac. Ça n'avait pas la moindre importance de récupérer tout cela, elle voulait simplement rentrer chez elle, bien qu'elle ait pleinement conscience que c'était impossible. Après tout, si on la suivait vraiment depuis si longtemps, celui qui avait fait ça devait parfaitement savoir où elle habitait et l'attendait peut-être là-bas maintenant qu'il avait déclenché les hostilités de manière claire.
Elle se détacha les cheveux et se mêla à la foule environnante pour se faufiler dans un café sur deux étages. Bien entendu, elle commanda en vitesse la première chose sur la carte et se précipita à l'étage pour n'être vue par personne. Puis elle envoya un sms à son frère.
Salut. J'ai du partir plus tôt, je suis désolée. Mais j'ai demandé à un camarade chinois de me raccompagner à la maison, alors ne t'énerve pas pour rien s'il te plait ! Je suis au Landon's Coffee.
Fais attention à toi en rentrant !Elle se fit violence pour ne pas écrire :
«je t’en prie, viens me chercher je suis complètement morte de trouille. Tu avais raison depuis le début, je ne suis qu’une idiote naïve et inconsciente.»Il fallait garder cet incident secret et continuer de faire ce que Dong-Soo lui avait dit de faire. Rien de plus, rien de moins, mais ne surtout pas parler de ça. Elle savait au plus profond d'elle-même quen parler à son frère ne ferait que le plonger dans une rage qui se nourrirait de vengeance. C'était ce qu'il fallait éviter à tous prix. Dans la minute qui suivie elle entendit son téléphone sonner et elle constata que son frère venait de lui répondre. Elle serra les dents en lisant sa réponse.
Ne bouge pas, j'arrive.Ce n'était pas une réaction très étonnante venant de Dong-Soo. Mais par contre, ça réconfortait grandement Seul-Rin qui savait qu'elle n'aurait pas à rentrer toute seule. Elle passa cinq petites minutes aux toilettes pour constater les dégâts que ses larmes avaient pu produire et tenta de se calmer et de ne pas pleurer. Puis, elle passa de l'eau froide sur son visage et revint à sa table en attendant Dong-Soo qui ne se fit pas attendre bien longtemps.
Il était énervé, c'était évident.
-Espèce de petite...-Tais-toi. Ne dis pas des choses que tu risques de regretter par la suite.
-Tu aurais pu...-Non, non et NON. Je vais bien, rien ne m'est arrivé ! Tu vas arrêter ta paranoïa maintenant, d'accord ?!-C'est quoi ces vêtements ? Tu es tranquillement allée faire du shopping alors que je t'ai interdit de sortir toute seule ?-Non, c'est une robe que j'ai cousue. Arrêtes de faire le flic s'il te plait ! -Tu détestes cette nuance de bleu. Tu passes ton temps à dire qu'elle te donne un air malade. Et c'est vrai, t'as une mauvaise mine en plus. Tes yeux sont gonflés Seul-Rin !Bon ok, il avait l'air soit inquiet, soit furax. Ou plutôt les deux à la fois.
-Tout le monde peut changer d'avis non ?! Et puis j'ai attrapé un peu froid je pense, je me sens patraque depuis hier.-Tu mens. Hier tu chantais du trot et tu dansais comme une hystérique. Tu allais très bien et tu le sais. Tu mens, tu mens ! Pourquoi tu ne me dis pas la vérité ?! -Je suis sortie de cours, j'avais des choses à faire alors j'ai demandé à un ami de me raccompagner à la boutique pour faire ce que j'avais à faire et ensuite je l'ai retrouvé et on est allés boire un café ici. Et comme tu arrivais comme une furie et que je savais que tu allais me faire honte, il a du partir en vitesse. Ça va ? -Tu m'as dit dans ton sms qu'il t'avait déposée à la maison, pas à la boutique Seul-Rin. Tu es une menteuse.-Je... Je suis passée à la maison avant d'aller à la boutique pour poser mes affaires de danse, ok ?-Bon. Ok. Seul-Rin eut envie d'exploser tant elle était heureuse qu'il arrête de remettre sa parole en doute. Elle détestait lui mentir mais elle savait que pour son propre salut, elle n'avait pas le choix.
-Alors tu peux m'expliquer ça ? Je l'ai trouvé sur le chemin en venant.Il posa son sac de danse sur la table, abimé par le gravier. Automatiquement, les larmes montèrent aux yeux de Seul-Rin qui mit sa tête entre ses mains. Comment pourrait-elle justifier cela ?
-Tu avais raison. Elle sentit la main de son frère attraper son poignet et écarter d'un geste vif son autre main qui cachait encore son visage et ses yeux brillants.
-Seul-Rin...La jeune coréenne ferma les yeux et se maitrisa pour ne pas sangloter. Elle tenta en vain de se convaincre que tout irait bien. Après tout, elle avait juste eu peur, on ne lui avait rien fait du tout. Cela aurait pu être bien pire.
-Seul-Rin, est-ce qu'on t'a fait du mal ? Est-ce qu'il t'a blessée ou... touchée ?C'était étrange de le voir si calme dans une situation qu'il avait tant redouté. Mais il n'était pas étonnant de le voir perdre toute forme de colère en présence des larmes de Seul-Rin. Il savait bien que dans ces cas-là il ne servait à rien de hurler, mais qu'elle avait besoin de réconfort. Pourtant il perçait dans sa voix une profonde inquiétude qui ne demandait qu'à être détrompée.
-Non, non il ne m'a rien fait, il m'a juste suivie et quand je l'ai vu il s'est mit à me courir après. Mais j'ai réussi à me cacher et j'ai acheté des vêtements pour éviter qu'il ne me reconnaisse dans la rue. C'est tout. Ensuite, je suis venue ici et je t'ai envoyé le sms. -Lee Seul-Rin, regarde-moi s'il te plait. Regarde-moi. La petite coréenne releva ses yeux pleins de larmes vers lui et le regarda. Elle sentait les mains de son frère enserrer son poignet avec force, mais sans lui infliger aucune douleur. Il avait beau hurler tout le temps à propos de cette histoire, là, il était parfaitement calme. Du moins en apparence car Seul-Rin savait qu'à l'intérieur il était en train de bouillir.
-Tu comprends maintenant ? Pourquoi je fais tout ça ? Qu'est-ce qui arriverait si on te faisait quelque chose ? N'a-t-on pas déjà perdu assez ? Je t'aime Lee Seul-Rin. Tu le sais et je sais que toi aussi. Mais les temps ont changés. Les gens ne te voient plus comme le petit jag-eun cheonsa que tu étais en Corée du Sud. Tu n'es qu'une jaune, juste une sale asiatique qui bouffe du riz. Les seules personnes en qui tu peux encore avoir confiance, ce sont les gens comme nous. Alors je t'en supplie, arrête de voir le monde avec tes yeux d'enfant. Tu dois grandir Seul-Rin. Et prendre soin de toi, parce que je ne serai peut-être pas toujours là. Alors maintenant tu vas m'écouter. Mais avant ça, on va rentrer à la maison et tu vas prendre un bain, te détendre et demain tu ne vas pas en cours. On dira à maman que tu es malade. Ce ne sera pas bien compliqué de la convaincre parce que pour elle par conte, tu es toujours le petit ange d'autrefois.Et c'est ce qu'ils firent.
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LE DÉNOUEMENT
Seul-Rin resta chez elle toute la journée du lendemain, Dong-Soo la veillant comme un bébé. Elle n'eut de cesse de lui soutenir que ça allait, qu'il ferait mieux d'aller en cours car elle ne craignait rien ici. Et puis selon elle, ils avaient juste voulu lui faire peur. C'était juste une façon de faire en sorte de montrer leur supériorité. Mais ces suppositions ne reçurent pas un accueil très chaleureux de la part de Dong-Soo qui semblait pensif et bien trop silencieux pour être naturel. Cela avait tendance à inquiéter Seul-Rin qui lui demanda de dormir près d'elle le soir venu. Il accepta, pensant sans doute l'apaiser ou la réconforter et il eut raison. S'il était près d'elle, il n'était pas ailleurs. Et donc pas en danger.
Le lendemain, lorsqu'elle se réveilla il n'était plus là. Ce n'était pas inquiétant en soi, il avait très bien pu décider de se lever avant elle. Elle alla se passer un peu d'eau sur le visage puis retourna dans sa chambre avant d'y voir un papier griffonné en Coréen.
Je retourne en cours aujourd'hui, mais toi reste à la maison pour te reposer encore un peu. Demain, on ira à l'université tous les deux. Prends bien ton petit déjeuner.
Dong-SooD'accord. C'était tant mieux, les choses allaient redevenir à la normale. Ou pas.
Dong-Soo ne rentra pas le soir venu, ce qui inquiéta tout le monde mais encore plus Seul-Rin. Parce qu'elle comprenait qu'encore une fois, elle avait vu le monde avec ce qu'il qualifiait comme "des yeux d'enfants". Et elle n'avait pas vu dans ses yeux à lui qu'il comptait sans doute "
régler cette affaire" tout seul. C'était absolument évident qu'il avait décidé de mettre un terme à cette histoire. Et elle ne savait même pas comment l'aider. Elle avait à peine vu son stalker, et elle était bien incapable de l'identifier. Noir, blanc ou quoique ce soit d'autre, elle n'en savait absolument rien. Pour elle, il ne représentait que la peur et était matérialisé par cette foutue veste noire et grise. Alors que Dong-Soo lui avait certifié qu'il avait suivi ce type et qu'il faisait partie d'un gang.
Un gang. Dong-Soo seul face à un gang. La peur pénétra Seul-Rin de toutes part comme un virus qui se propage.
Seul-Rin en était persuadée, il était allé là-bas. Venant de Dong-Soo ce n'était pas bien étonnant mais ce qui l'était davantage, c'était qu'il n'y soit pas allé avant. Intrépide comme il était, il avait dû se contrôler pour Seul-Rin. Mais les derniers évènements avaient fini de le convaincre.
Plus d'une cinquantaine d'appels sans réponse plus tard, Seul-Rin fut à bout de larme. Elle se laissa négligemment tombée dans les bras tremblants de sa mère et se demanda si elle devait tout raconter aux policiers. Est-ce que cela allait déclencher encore une fois un cataclysme ? Dong-Soo allait-il bien, était-il en fait juste allé passer la nuit avec une petite coréenne ou était-il en mauvais état, blessé ou peut-être même tué par des racistes en puissance ?
Elle n'en savait rien, ne croyait absolument pas en la première hypothèse et avait peur d'avoir confirmation pour la seconde.
En cet instant, jamais elle ne s'est sentie aussi seule, si pleine de peur et d'incertitudes. Incapable de prendre une décision, elle n'aurait jamais cru que tout cela puisse dégénérer à ce point. Comment pouvait-on à ce point détester quelqu'un pour ses origines ?
Il lui fallut une seconde pour se décider. À se taire et réduire les chances de son frère de pouvoir être retrouvé vivant, elle préférait encore avouer la vérité. Mais elle fut stoppée dans son élan par un rebondissement inattendu.
Le téléphone sonna, sa mère répondit et s'écroula sur le sol au bout d'une minute de conversation. Seul-Rin comprit tout de suite que ce qu'elle redoutait le plus était arrivé et se contenta de partir en courant. C'était ce qu'elle faisait toujours lorsqu'elle était pleine de tristesse. Courir, pour évacuer les douleurs... Mais là, et même après une quarante de minutes de course effrénée dans les rues de Long Beach, elle se sentit aussi mal sinon plus, ajoutant à sa peine initiale sa difficulté à respirer et ses muscles brûlants. Dong-Soo était mort. Mort.
Cette simple idée n'était qu'un poison terriblement puissant. Et Seul-Rin venait d'en ingurgiter au moins dix litres d'un coup. Son monde venait de s'écrouler comme un château de cartes.
Quand elle rentra une heure plus tard, lasse et parfaitement assommée par le chagrin, elle fut reçue avec une gifle.
-Ton frère est à l'hôpital et toi tu pars te balader pendant des heures ? Prends ton manteau et dépêchons-nous. Ta mère est déjà là-bas.À l'hôpital ? Seul-Rin était persuadée qu'il était déjà mort. Mais s'il était à l'hôpital, c'était qu'il était encore en vie non ?
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Il avait été renversé par un chauffard et poignardé à deux reprises. Mais il n’était pas mort pour autant. Être renversé par une voiture aurait déjà suffi à beaucoup pour mourir, mais pas à Dong-Soo. Et deux coups de couteau n'étaient pas non plus suffisants. Heureusement pour la famille Lee, le ou les agresseurs avaient été assez bêtes pour le poignarder à des endroits qui ne présentaient aucun risque majeur. Mais il était dans le coma, et ça suffisait à le réduire au silence. Seul-Rin ne raconta finalement pas ce qu'elle savait à la police car elle avait peur que les agresseurs de son Oppa ne reviennent "finir le travail". Elle reçut d'ailleurs un coup de fil étrange qui termina de l'en dissuader. Si elle devait se taire et laisser ce pauvre type en liberté pour garantir la sécurité de ses proches, elle mourrait avec ce secret.
Trois semaines depuis qu'on avait retrouvé son corps au milieu d'une route, abandonné comme un vieux mouchoir. Il était toujours allongé, branché à tous les appareils et n'avait pas même tressaillit. Et il manquait terriblement à Seul-Rin. Son rire, ses hurlements même. Absolument tout, comme s'il était mort. Mais elle savait qu'il allait revenir. Dong-Soo savait qu'elle ne pourrait pas s'en sortir sans lui, alors pourquoi la laisserait-il ? Il avait juste besoin de temps, n'est ce pas ?
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FORCE DE CONVICTION
-Ne meurt pas Dong-Soo. Ton jag-eun cheonsa a encore besoin de son cher oppa. Tu as le droit de te reposer, tu peux prendre du temps pour te remettre complètement mais ne n'abandonne pas. S'il te plait. Je peux prendre soin de moi un temps, mais tu sais bien que je ne suis pas aussi forte que toi. Je vais beaucoup pleurer et je vais sans doute continuer à être un peu naïve, mais quand tu te réveilleras, je serai plus forte. Donc n'ai pas peur d'ouvrir tes yeux. Maintenant, c'est à moi de prendre soin de toi. Nuh-upsshi motsarah Oppa. Saranghae. Depuis lors, Seul-Rin n'a de cesse de se repasser ces fameux jours dans sa tête. Pour comprendre, essayer de savoir ce qu'elle aurait pu changer pour que tout cela ne soit jamais arrivé. Et elle est rongée par la haine. Elle en veut au monde entier parce qu'elle sait parfaitement qu'il a été une autre victime de ces racistes. Mais à présent, elle ne peut pas s'empêcher de l'être elle-même. Cela fait presque sept mois que son Oppa est dans le coma et les médecins ne cessent de répéter que plus le temps passe, plus les chances sont minces qu'il ne se réveille. Mais la jeune coréenne est persuadée qu'il le fera. Elle ne pleure pas parce qu'elle a peur qu'il ne se réveille pas mais parce qu'il lui manque terriblement.
Elle a également repris les cours et pour le moment, elle n'a plus revu la veste noire à capuche grise. Et elle s'en passe avec bonheur, mais elle a prit quelques petites mesures pour éviter de se retrouver à nouveau seule dans la rue. Premièrement : l'achat d'une voiture. Une vieille voiture un peu démodée, mais une voiture qui fonctionne et qui est capable de l'emmener d'un point A à un point B sans qu'elle ne soit obligée de marcher seule dans des rues sombres. Elle a aussi sur elle un couteau suisse et une bombe au poivre. Ce n'est peut-être rien pour certains, mais ça suffit à la rassurer un peu. Elle va également voir son frère tous les jours après les cours, sans exception. En espérant qu'un jour il ouvre enfin ses yeux, et qu'ils puissent partir en Corée du Sud tous les quatre. C'est à présent le seul et unique rêve de Seul-Rin.